Solid'Art, incubateur social de start-up
En Martinique, dans le cadre de son accompagnement vers l'emploi, le Secours Catholique propose à des personnes talentueuses de les aider à transformer leur savoir-faire en métier.
Le 30 septembre 2017, à Fort-de-France, devant un parterre d'acteurs associatifs et institutionnels, d'entrepreneurs et de mécènes, Mirla Pascal-Chalu, Vénézuélienne de 55 ans, a présenté son projet de “clinique” pour végétaux. Le concept ? Proposer à des particuliers de planter, entretenir et soigner leurs plantes chez eux ou à son propre domicile.
Ce 30 septembre, Mirla n'est pas particulièrement stressée. « Ce sont les bénévoles [du Secours Catholique, Ndlr] qui avaient peur », se souvient-elle avec amusement. « Elles m'ont dit qu'elles n'avaient pas dormi de la nuit. »
Le projet de Mirla est l'aboutissement d'une année de travail menée au sein de Solid'Art, un dispositif de retour à l'emploi imaginé par le Secours Catholique martiniquais. Le principe de ce dispositif est simple : favoriser la création d'activité en s'appuyant sur les talents.
« La plupart des personnes que nous rencontrons sont éloignées de l'emploi ou enchaînent les petits jobs», constate Gwenaëlle Goldery-Belvinal, bénévole de l'équipe emploi. «Souvent elles s'obstinent dans des voies sans issue, par manque de débouchés ou de compétences, alors qu'elles ont un vrai savoir-faire dans un tout autre domaine .»
Souvent les personnes s'obstinent dans des voies sans issue, alors qu'elles ont un vrai savoir-faire dans un tout autre domaine.
Gwenaëlle Goldery-Belvinal, bénévole de l'équipe emploi.
Passionnée par les plantes, Mirla n'avait jamais imaginé en faire son métier. Ce dont cette travailleuse sociale était sûre, en revanche, c'est qu'elle voulait changer de boulot. Confrontée à des situations de grande précarité, épuisée moralement de ne pas les voir évoluer, «j'étais fatiguée», confie-t-elle.
Elle envisage un temps de s'investir auprès des animaux. «J'ai regardé les formations de vétérinaire ou de toiletteur pour chiens, mais tout était en métropole.»
C'est la remarque d'une bénévole du Secours Catholique, de passage chez elle, qui provoque le déclic. Impressionnée par la végétation luxuriante qui envahit son appartement, elle finit par suggérer à Mirla : « Pourquoi ne ferais-tu pas quelque chose avec les plantes ? »
« Pourquoi pas ? »
Karine Perion, elle, a été repérée lors d'une exposition organisée à l'épicerie solidaire de Fort-de-France. La jeune femme, en recherche d'emploi depuis six ans et habituée de l'épicerie, y présentait des sacs réalisés par elle-même.
« Depuis que j'étais au chômage, je cousais tout le temps », raconte cette mère de quatre enfants, ancienne assistante de gestion dans une entreprise du bâtiment. « Je m'angoissais de ne pas trouver de travail. Pour passer le temps et évacuer le stress, je faisais des sacs... En fait, la solution était là ! »
Lorsque Marcette Louis-Joseph, responsable du Secours Catholique de Martinique, vient la voir une première fois pour lui proposer de faire de cet “antidépresseur” une activité professionnelle, Karine ne la prend pas au sérieux. «Qui pourrait être intéressé par mes sacs?» s'interroge-t-elle.
Mais comme pour Mirla, l'idée fait son chemin, jusqu'à ce que la jeune femme se dise : « Pourquoi pas ? »
Début 2017, avec huit autres personnes porteuses de talents artistiques et artisanaux, Mirla et Karine intègrent le dispositif Solid'Art.
«Notre rôle, précise Gwenaëlle Goldery-Belvinal, est d'aider les personnes à affiner leur projet, de les soutenir dans leurs démarches pour monter la structure et suivre des formations, et si besoin, de les remobiliser lorsque la journée a été difficile, de les aider à concilier vies professionnelle et familiale.»
Un coach-thérapeute anime des ateliers réguliers. «Ça m'a beaucoup aidée», confie Karine. La jeune femme raconte la déflagration qu'a été son licenciement économique en 2010. « C'est arrivé à un moment où je me disais que tout allait pour le mieux dans ma vie, je ne l'ai pas vu venir. Après cela, je me suis effondrée. »
Une solide reconstruction
Retrouver de la confiance en soi, prendre conscience de son talent et croire en son projet ont été les trois étapes d'une solide reconstruction. « Aujourd'hui je n'ai plus peur de l'échec, constate Karine. Je m'en suis rendu compte en frappant aux portes pour le financement. Tout le monde ne m'a pas dit oui. Certains ne m'ont même pas répondu. Et je n'ai pas baissé les bras ! »
La journée du 30 septembre organisée par le Secours Catholique lui a permis de nouer des contacts et de recevoir des conseils. « Suite à ces conseils, j'ai encore mûri mon projet. J'ai accentué la partie recyclage. Je fabrique mes sacs uniquement avec des matériaux de récup'. »
Mirla, pour sa part, suit une formation en production horticole financée par Pôle emploi, qu'elle va sans doute compléter par une formation à la permaculture. Elle a déjà un nom pour son entreprise : “La Nature et moi”.